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Transmission familiale, impossibilité d'une relation : chronique de "Entre toutes les mères" d'Ashley Audrain

D'où vient le manque d'amour ? D'où vient le rejet de l'enfant, puis la distance qui s'installe entre Blythe et sa fille Violet ? Dans le passé de Blythe ? Sa relation avec sa propre mère et sa mère avant elle avec la sienne ? Le rejet se transmet-il de génération en génération, comme une maladie familiale ?



Pourtant, Violet était désirée par ses parents. Blythe n'avait jamais réellement parlé de son passé à son mari, mais tout deux savait qu'il y avait quelque chose de profondément sombre. Et tout deux ne voulaient pas que ce passé soit inextricable, Qu'il soit un enchevêtrement de ronces qui remonterait à la lumière et qui se répercuterait.


Quand Blythe accouche, elle est fascinée par son bébé. Elle passe la nuit à l'observer, sans savoir ce qu'elle ressent d'autre. Comme elle est la narratrice, nous ne savons pas si d'autres choses se jouent sans qu'elle le sache.


En étant proche de sa fille, en la prenant dans ses bras, elle provoque des pleurs que seul le père peut calmer. Qu'a-t-elle perçue en sa mère pour vouloir ne pas y être mêlée ? Pour son mari, ce sont simplement les propres doutes de Blythe que ressent le bébé et qui l'inquiète. Il l’exhorte à la patience et à la tendresse, lui intime l'ordre de continuer et d'effacer ses doutes et ses angoisses.

Violet grandit, la relation ne se crée pas, Blythe se tient à distance, est épuisée, jalouse la relation immédiate de sa fille avec son père, fait les choses du quotidien mécaniquement, mais n'y éprouve aucun plaisir. Elle va même jusqu'à trouver son inspiration en écrivant au milieu des larmes et des hurlements de son enfant.


Surprise par son mari, elle tente de préserver un semblant de normalité, de se racheter à ses yeux. Toujours sur le qui-vive, elle remarque quelque chose de froid dans l'attitude de sa fille, une calme observation et une maturité inquiétante au fur et à mesure qu'elle grandit. Violet observe sans rien dire et comprends les comportements des autres, les analysant dans quel but ?

L'angoisse s'installe peu à peu en Blythe.


Il y aura ces événements dont elle ne saura pas si c'est sa fille qui en est à l'origine ou non.

Ce livre est comme une sorte de thriller psychologique où la narratrice ne sait pas s'il y a un danger au cœur même du foyer familial, de l'amour et de la tendresse parfois reçue. Elle fait taire ses doutes, pour continuer à supporter cette atmosphère, poussée par son mari qui nourrit un amour aveugle pour sa fille. Ces doutes nous font douter à notre tour de cette mère désemparée, alors qu'un pacte d'affection s'était fait avec elle.


Nous sommes dans un huis clos, où rien ne semble pour autant effrayant si l'on se concentre sur les gestes répétitifs, l'évitement, l'affection parfois donnée et reçue, l'histoire du soir ainsi qu'un moment de répit et de calme quand rentre le mari.


Blythe est pour moi un personnage affreusement marquée et empathique à la fois, une sorte d'être soumis, tendre et fragile, qui ne souffre de rien d'autres que de ses propres blessures sans avoir pour autant la volonté de les répercuter. Mais ses décisions sont toujours prises prise en fonction de son aspiration au calme et à l'apaisement, ce qui la conduit à de gros impairs, et à ne jamais se rebeller.

Ce livre est l'histoire d'un empêchement d'aimer.


« On ne devient pas mère toute seule, mais dans une lignée familiale » écrit Sophie Marinopoulos, psychanalyste. Ce qui se lègue en l'enfant, la relation qui s'écrit avec lui, ce qui est perçu et su insidieusement mais jamais dit, jusqu'à ne plus savoir comment parler... Ce livre ne donnera pas de réponses, mais ouvrira à des questions sur la transmission et la relation à l'enfant.

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