Lafanu se tient droite, debout, triomphante. Le sentiment de fierté, elle ne l’a pas toujours ressentie, mais elle a toujours agit avec dignité et courage. Ayant la malchance d’être femme et noire, elle n’a pas d’existence. Elle est corsetée dans un monde n’offrant aucune liberté dans l’Amérique du XIXème siècle, en pleine guerre de Sécession.
Protégée par ses mentors, qui voient en elle une artiste, autant qu’un objet d’orgueil personnel, elle quitte cette terre qui ne voulait pas d’elle, pas plus que des autres noirs, pour travailler sa peinture. Lafanu a toujours voulue être artiste, depuis qu’elle trace des lignes sur le sol poussiéreux de son village.
Là où elle trouve son inspiration, c’est en Italie, la terre sacrée des artistes. Ce pays qui deviendra enfin sa patrie, qui l’aidera à faire d’elle une personne et une peintre à part entière, tant elle y trouvera de l’inspiration et une certaine forme de considération. Ce livre témoigne du fait qu’un lieu peut changer beaucoup de nos perceptions, influer sur notre état d’esprit, et au final notre inspiration.
L’affection que porte Lafanu pour les couleurs est palpable tout le long du livre. Trouver la bonne pigmentation, le tracé juste, celui qui révèle le plus son modèle, c’est ce qu’elle cherche par-dessus tout. Elle a une belle sensibilité pour les visages qu’elle peint.
Où qu’elle aille, elle s’est toujours rappelée ceux qui la surnommait encore « la négresse », et qui, même quand elle avait ses pinceaux, continuaient à ne voir que sa couleur à elle, pas celle de ses toiles, pourtant vibrantes d’émotion.
Lafanu que grâce à la charité, à la bonté plus ou moins calculatrice de quelques puissants, et pas grâce à ses pinceaux. Ce qui la définit pourtant le plus. C’est aussi un livre qui témoigne du racisme de l’époque, qui est non dissimulé, infect, orgueilleux et méprisant, mais aussi de celui qui se dissimule dans les actions en apparence les plus généreuses. Pour moi, ce livre parle aussi de nos actions, de leur sens cachées et de leur pourquoi, en tout cas pour les personnages secondaires qui entourent Lafanu. Cela n’est pas aisé de se débrouiller seule et d’être entourée de personnes qui au pire vous haïsse, au mieux attente égoïstement quelque chose de vous, sans vous considérer vous et vos sentiments.
L’écriture est très belle, elle nous installe dans une ambiance qui assure une continuité entre les différents lieux que traverse Lafanu. Son périple est impressionnant, de son village aux rues de Rome, elle parvient à se trouver, et elle le doit à son courage et sa témérité. C'était un très beau roman.
Dialogue avec "Ourika" de Madame De Duras
Ce livre met en scène une jeune femme recueillie et élevée auprès d'une dame de la noblesse, Mme de B., dans le but, comme pour Lafanu, d'être élevée spirituellement. Ourika apprend à danser le quadrille, à tenir une conversation et à être une dame de qualité. Mais ici, sa bienfaitrice est présentée comme une personne charitable. Cependant celle-ci va condamner sa protégée à ne pas trouver sa place, car Ourika ne peut être à la fois une personne instruite et une femme noire, dans le contexte de l'époque. Ce livre comporte aussi un point commun avec "La ligne de couleur" ; il se situe dans une période d'extrêmes bouleversements, puisqu'il s'agit de celle de la Terreur pendant la révolution de 1789. Ce court roman s'inscrit dans le courant des Lumières, et donnait pour la première fois à l'époque (la fin du XVIIIème siècle) une voix aux personnes de couleur.
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Ce roman est pour celles et ceux :
Qui veulent se rendre compte de la difficulté d'être une femme noire, et de désirer un destin hors norme
Qui veulent se rendre compte du racisme aux Etats-Unis pendant la guerre de Sécession
Qui souhaitent lire une écriture agréable et belle
Qui souhaitent aller un peu en Italie !
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