Le sentier qu'il connaît pourtant bien lui semble si tortueux. Il le dévale à toute vitesse, guidé uniquement par la lune, essayant de mettre le plus de distance possible entre lui et ses assaillants. Les pierres du chemin semblent glisser sous ses pattes, les branches lui fouettent le visage, les ronces voudraient le retenir, mais la douleur ne doit pas exister maintenant ; il lui faut fuir.
Quelque chose comme de la folie dans leurs yeux le pousse à trouver l'énergie de courir toujours vite, fait rouler les muscles tendus sous sa peau et battre son corps plus vite. Il a vu cela de si prêt. Cette folie.
Il entends le cliquetis des armes, des bottes, de choses métalliques qui résonnent étrangement dans la forêt. Les arbres semblent retenir leur souffle. La forêt est en suspens alors que lui est en mouvement. Il court si vite. Il ne comprend pas cette intrusion. Lui-même s'est laissé surprendre, alors qu'il ne s'était pas aventuré plus loin que d'habitude. il n'est pas allé sur le territoire des hommes, il ne va jamais là où il pourrait les rencontrer.
Il bifurque sur la gauche et arrive finalement jusqu'à un bois épais, à l'abri sous le couvert des arbres.
Les hommes passent, il tente de reprendre son souffle. Il attend d'être sûr qu'ils ont perdu sa trace avant de se mettre à sentir que son cœur pulse trop vite et que ses pattes ne le portent plus, et de finalement s'écrouler.
Il sait que les hommes, quand ils vont encore en forêt, cherchent une partie d'eux-même, qu'ils ont longtemps oublié, il y a très longtemps, au fond d'eux-même.
Quelque chose qui semble pulser en sourdine. Qui est si ténu.
Mais ces hommes qui le pourchassait voulait autre chose. Lui nuire. Détruire. Ils se sont profondément perdus.
Et lui se perd dans la nuit.
Il s'endort.
Soudain, quelques minutes ou quelques heures plus tard, ses oreilles fouillent la nuit obscure, alertées par un bruissement. Mais cependant si ténu qu'il ne peut s'agir que d'un petit animal. Il se redresse pourtant, le souvenir de la cavalcade résonne encore en lui.
Les frondaisons bougent, il sent une présence à l'odeur qui n'est pas celle d'un humain. Serait-ce... ?
Les herbes s'écartent, un grand lièvre s'avance vers lui.
Il ne semble pas avoir peur. Il semble même au renard qu'il est venu le voir. Il s'avance tout de même prudemment sans le quitter des yeux, et lui ne bouge pas, ne sait que faire. Son instinct lui commanderait de le laisser s'approcher de lui encore pour le dévorer.
Mais pas là.
Le lièvre enfouie son nez dans sa fourrure, et sans plus de précautions, se blottit contre lui.
Son cœur était encore battant après une course qu'il avait du mener, peut être la même que lui contre les hommes.
Son contact est chaud, leur blottissement apaisant.
Il sentait qu'ils étaient semblables, le lièvre et lui. Alors il l'entoura de ses pattes, fit une protection entre lui et l'extérieur. Il sentit sa fourrure, et en dessous son cœur qui palpitait. Il ne savait pas pourquoi, mais cela le bouleversait. Sentir cette créature si petite, si semblable et si différente, sentir qu'il avait un corps fait de chair où le sang pulsait dans chacun de ses muscles, prendre conscience de cela, c'était quelque chose qui le submergea d'une joie pleine et d'une tristesse qu'il ne comprenait pas. Peut être était-ce cette beauté dans la différence ? Il était rempli d'émotions qui le traversait.
Il sentait que l'animal lui témoignait sa confiance. Cet animal était son semblable, sa part aimée. Les hommes, dans leur décadence, les avaient fait se rapprocher.
Photo de Federico Bottos https://unsplash.com/fr/@landscapeplaces
Commenti