Les promesses d’amour sont empoissonnées d'une blessure trop ancienne, celle constituée des premières séparations, des premières désillusions et espoirs meurtris. Face aux prières d'amour d’un autre, nous ne pouvons qu'être aveugles, sourds et muets, ne parvenant à travers elles qu'à entendre l'appel en nous, celui de notre loup au cœur. Ce loup qui vient pour nous protéger, nous empêcher de ressentir la blessure à nouveau. Ce loup, qui tape et grogne, qui cogne à la porte de notre cœur, surveillant nos envies d'épanouissement et ne s'échappant qu'en de rares occasions.
Il se tapie, renifle, sonde la profondeur de la blessure et la lèche. Il traque dans notre cœur les espoirs que nous avons de nous échapper, quand enfin l’on voudrait ressentir à nouveau. Il appuie sur les passerelles toujours tendues entre le souvenir et l'avancée, la blessure et le désir, stoppant notre numéro d'équilibriste, nous rappelant que nous avons déjà tenté de nous propulser plus loin. Et quand il sent notre désir d’aimer devenir plus fort, il lance son appel, cette plainte lancinante qui évoque la peine, celle qui fait se souvenir. Elle nous impose alors de rester, toujours, sur la même scène pétrifiée de l'attente et du deuil, infiniment dans l'attente, réduit à cette immensité.
Vouloir faire corps avec quelqu'un d'autre, créer une histoire pour tapir, ou même guérir la blessure au fond de nous, c’est illusoire. Mais quelqu’un, parfois, réduit ce loup momentanément en une ombre fine.
Mais le loup revient, toujours, à l'heure des plaintes, des premiers froids et du passage de la lune, pour reprendre possession de son territoire. Celui qui voudrait le faire fuir serait aveugle. Ignore-t-il son propre appel en lui ? Ou voudrait-il créer une symphonie discordante à deux, pour que son histoire soit moins bancale ?
Et puis quand finalement on tente de se mêler avec quelqu’un, chacun terrasse l'autre avec ses parts inconnues, ses pulsions, ses rituels qui sont en partie l’œuvre gravée par la blessure, et plus tard amplifiée par le loup au cœur. Il empêchera l’autre de s'installer, de faire des marques sur ce qu’il considère être son territoire, il l'empêchera d'écrire sa symphonie consolatrice et cicatrisante. Il ne voudra pas décroître, voir son univers pauvre et sec ne plus assécher le cœur. Et c'est soudainement quand il lance son appel que l’on se souvient de la douleur d’avoir aimé. On ressent la peine de devoir capituler, le loup exerce alors son emprise et n'a jamais été aussi fort.
Il s'est frotté contre votre poitrine, a appelé, a chanté une symphonie pour vous clouer sur place. Il semble plus vivant que vous, à s'agiter ainsi. On doit faire attention à ne pas aimer trop fort, à ne pas se frotter à de l'affection, car c'est là qu'il se réveille, plus puissant encore.
Comme si l’on ne devais chérir que du vide.
Et pourtant.
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