Pourquoi y a-t-il autant d'œuvres si ce n'est pas pour communiquer et se raconter ?
Nancy Huston écrit dans « L’espèce fabulatrice » : « Quand des antilopes arrivent devant un lit de rivière desséché, elles cherchent de l’eau ailleurs ou elles meurent de soif. Les humains, devant le même constat désolant, tout en cherchant de l’eau ailleurs, et avant de mourir de soif, interprètent. Ils prient, dansent, cherchent des coupables, se lancent dans des rituels de propitiation pour convaincre les esprits d’envoyer de la pluie…
Le sens est promus en Sens.
Tout est par nous ainsi traduit, métamorphosé, métaphorisé. Oui, même à l’époque moderne, désenchantée, scientifique, rationnelle, inondée de Lumières. »
L’humain a besoin de trouver un sens, de tenter d’expliquer ce qui n'est pas évident. Auparavant c’était parce qu’il ne comprenait pas les orages, les pluies diluviennes, les phénomènes en tout genre, qu’il imputait à un Dieu, se disant qu’il y avait des signes à y voir. Mais maintenant que nous possédons plus de connaissances, que nous ne sommes plus dépendants des croyances, quel besoin de continuer ? Ce que cela veut dire, c’est que la recherche de sens fait de nous des humains, notre conscience nous pousse à chercher, trouver, explorer.
« Les artistes, chacun à leur manière, cherchent à interpréter le monde et à le posséder. Il y a dans le monde une telle diversité qu’on ne peut comprendre ou accepter certaines choses qu’en se les appropriant. » dit Annette Messager dans la revue Muze 77, une artiste plasticienne qui a travaillé sur la féminité, les corps, et a réalisé une série « Les Dissections » à partir de poupées et de peluches qu’elle a éventrées. Dans « Le repos des pensionnaires », elle a aussi utilisé des oiseaux morts qu’elle a emmaillotés. Comme si son incompréhension face à la mort lui avait donné l’envie de l’apprivoiser, d’une certaine façon.
La recherche du sens est en lien avec autrui, pour créer du lien avec lui. « Les hommes s’efforceront toujours de faire partager les expériences qui les touchent le plus profondément. » écrit Régine Detambel dans « Comment les livres prennent soin de nous, pour une bibliothérapie créative ». Le langage est justement cette tentative d’être compris et de comprendre l’autre, et ce dans les arts, l’écrit et mais aussi la parole.
Et c’est là qu’intervient l’envie de « métaphoriser », comme le dit Nancy Huston ; de créer un déplacement dans la réalité, d’inventer des récits qui font que l’on vit notre vie ou notre ressenti d’une autre manière, en créant autour de cela. C’est ce que faisait les impressionnistes en peignant des sensations plutôt que la réalité.
Pour moi, trouver du sens est un phénomène humain, qui repose en grande partie sur l’art, quel qu’il soit, dans un dialogue avec soi-même et avec l’autre, et dans une recherche esthétisante.
Photo de JR. Korpa. https://unsplash.com/fr/photos/y5-K-y3gLsE?utm_content=creditShareLink&utm_medium=referral&utm_source=unsplash
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