Je ne vais pas vous cacher qu’en bonne fan, je re-regarde régulièrement des épisodes par ci par là de « Games of Thrones »…
Si j’ai aimé l’écriture et la complexité de chaque personnage, (ou presque), qu’ils soient perfides, sadiques ou plein de bonnes volontés, c’est Daenerys Targaryen qui m’a le plus impactée.
J’aimerais revenir dans cet article sur la richesse psychologique de ce personnage, et parallèlement la défendre face à tous ceux qui disaient à l’époque de la diffusion de la dernière saison qu’elle était devenue une simple « Mad Queen ».
Daenerys est annoncée dès le début comme étant issue d’une grande famille noble et déchue des sept couronnes. Son père, surnommé « le Roi fou », a fait perdurer un royaume basé sur la peur et la répression quand il siégeait sur le trône de fer. Mort bien avant que la série ne commence, c’est son fils ainé Viserys qui souhaite reconquérir le pouvoir. Daenerys est élevée auprès de ce frère impitoyable, qui l’a manipule et ne voit en elle qu’un objet qui lui permettrait de perpétuer la dynastie familiale.
Si Daenerys a tout, sur le papier, pour devenir un être affreusement sanguinaire, elle nous est présentée comme une jeune fille innocente dès les premières séquences. Elle n’a rien d’une personne colérique, ou conquérante, perfide et prête à déclencher des guerres. Elle est même mélancolique et affaiblie. « Toujours cet air avachie, ma sœur » lui dit Viserys. Son seul souhait est de vivre une vie paisible, loin de la guerre et de ces tourments.
Pourtant, elle va connaître un destin incroyable, et elle ne le doit qu’à elle seule.
Elle va se révéler être une femme et une conquérante incroyablement compétente, toujours à l’écoute de ses conseillers (sauf dans les dernières saisons, après avoir été trop déçue), et surtout, elle est quelqu’un qui domine ses affects. Bien loin de ce qu’elle aurait pu être.
Car ce personnage est pour moi un vrai mystère psychologiquement et socialement. Je m’explique : du point de vue du déterminisme, elle est une targarienne, elle est en toute logique génétiquement programmée pour ressembler à sa famille. D’autant plus qu’elle a passée sa jeunesse auprès de son frère, et a donc fait toute sa socialisation primaire et secondaire (les étapes qui influencent un être humain dans ses actions et décisions) auprès de quelqu’un qui est pour le coup véritablement sanguinaire.
Hors, il me semble que Daenerys n’utilise sa colère que quand elle est véritablement menacée, ce qui est assez humain, ou alors quand elle voit se produire une injustice (ce qui l’a conduit à crucifier les maîtres qui avaient eux même crucifiée un certain nombre d’enfants le long du chemin de Mereen).
Cette colère l’a amenée à dire cette fameuse tirade qui me donne des frissons en l’écrivant « Je ne suis pas votre petite princesse. Je suis Daenerys du Typhon de l’antique Valyria. Je prendrais ce qui m’appartient. Avec le feu et le sang je le prendrais ! » (en saison 2). Elle est à ce moment-là une jeune aspirante au trône qui s’adresse à un homme puissant auquel elle avait demandé aide et protection. Il fallait qu’elle s’impose.
Bon, il s’avère que c’est ce qui s’est réellement passé à la fin…
Mais ce n’est pas ce que Daenerys voulait. Elle a toujours fait preuve de maîtrise quand elle était au pouvoir, allant même jusqu’à enchaîner ses dragons pour qu’ils ne tuent pas des enfants, dragons qu’elle considère non seulement comme ses enfants mais qui représentent aussi le symbole de sa puissance !
Pour Machiavel, dans l’exercice du pouvoir, un souverain droit être craint s’il veut être respecté. Daenerys n’a toujours utilisé cette solution qu’en dernier recours, puisqu’encore une fois elle a enfermée ses dragons. C’est toute la difficulté du job de gouvernant : être aimé, mais se montrer ferme et fort(e) dans le même temps. Il écrit dans « Le prince », un ouvrage consacré à sa vision de la politique et du pouvoir, qu’il est « plus efficace d’être craint que aimé ». Concernant Daenerys, elle n’utilise sa force et donc sa capacité à créer de la peur qu’en dernier recours. Elle aurait très bien pu envahir Port-Réal tout de suite. Mais elle décida de commencer des négociations avec la reine Cersei.
De manière générale, elle n’a cessé de montrer de l’empathie envers ses sujets, protégeant des femmes qui aillaient se faire violer, libérant les esclaves, ayant de la considération pour tous en général. Est-ce sa propre souffrance qui lui a permis d’avoir autant d’empathie, et qui l’a protégée du déterminisme ? C'est la seule explication que je vois à son parcours.
Là où elle reste une targaryenne, c’est dans sa façon impitoyable de traiter ceux qu’elle considère comme ses ennemis. Elle brûle, c’est tout. C’est là que sa colère est présente. Elle se sent légitime à le faire, et n’a aucun scrupule, parce que pour elles ces personnes ne sont pas humaines. On parle d’esclavagistes et de violeurs, majoritairement (oui je la défends).
C’est à la fin, (au moment où les scénaristes n’avaient plus la base des livres pour créer la série) quand elle subit pertes sur pertes, défaites sur défaites, qu’elle doit enterrer les personnes qu’elle aime le plus, qu’elle rentre véritablement dans la folie aveugle. Et qu’elle tourne le dos à la souveraine et à la femme qu’elle a toujours souhaité devenir.
Je dois dire que j’aurais tellement préférée qu’elle ne brûle pas Port-Réal… Mais ce n’est pas le personnage, c’est les défauts de l’écriture du scénario (hé oui je la défends encore).
Pour moi Daenerys est le personnage le plus complexe qui soit dans la série, car elle doit se battre contre son déterminisme, contre ses impulsions, elle a des capacités d’écoute et d’empathie incroyables.
D'ailleurs, voici un extrait d'un article du Huffington Post concernant le traitement du personnage de Daenerys durant les deux dernières saisons, avançant une explication que je trouve assez intéressante :
"On peut toutefois se demander, comme le souligne Time, si un sexisme latent ne se cache pas derrière ce changement de personnalité. Qu’il s’agisse de Daenerys ou de Cersei, toutes deux sont présentées comme des femmes assoiffées de pouvoir. Samuel Dock y voit d’ailleurs “une triste influence du patriarcat”, estimant que la série de HBO n’y échappe pas. “Il est fréquent de faire de la femme d’ambition une sorcière ou une folle dangereuse, dans la vie comme dans les œuvres de fiction”, ajoute-t-il."
https://www.huffingtonpost.fr/life/article/a-la-fin-de-game-of-thrones-daenerys-sera-t-elle-une-reine-folle_144980.html
Ah ces méchantes femmes, on dit que c'est chouette l'émancipation mais bon, faut pas trop pousser non plus...
Vive la reine !
Petite bibliographie :
J’ai aimé feuilleter le livre « Game of Thrones, une fin sombre et pleine de terreur » de Marianne Chaillan (un livre très enclin aussi à défendre Daenerys).
Et par rapport à l’exercice du pouvoir, il existe le livre « Les leçons politiques de Game of Thrones » de Pablo Iglesias. (non lu)
(photo : hdwallpapers.in)
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