On peut vivre avec les morts. Leurs ombres sont suffisamment grandes pour que l'on puisse s'y glisser. Leurs êtres m'accaparent, car avec eux, ce sont les souvenirs et les regrets que l'on partage. Je n'ai pas peur de me revêtir de leur mémoires. On peut apprendre à avancer dans leurs habits parfois mal taillés et trop long pour nous, les pieds se perdant dans le pendant du tissu. On ne le porte non pas comme un fardeau, mais comme un manteau fait de cendres, de mélancolie et de prières. S’incarner en eux, à chacun de nos mouvements, c'est faire corps ensemble, pour filer à toute vitesse sur les routes, que le ciel soit dégagé ou non, là où on peut se croire autre part, et jamais leur traîne ne se prend les pieds dans les roues, ils se penchent sur vous avec la seule chose qui puisse apporter de la lumière : les écrits, et les récits de leurs voix, grandes et belles. Avec eux, c'est l'origine même de ce que je suis que je retrouve. Je suis eux tout autant qu'ils sont moi. Cendres et lumière cohabitent alors dans la même flamme, pour nous éclairer quand nous sommes encore égarés sur le chemin des questions, celles qui concernent le hasard des rencontres, la vérité qui ne se dit pas, le vacarme du silence, et de ce qui dès lors s'assemble en nous, cette petite constitution de contraires et de travers.
© Humain en pages
Nos morts
Se plaquent sans trace contre nos vitres
Gémissent sans voix dans nos accents
Oscillent
dans la frileuse poursuite
de leur chair abolie
Leurs cœurs s'endeuillent de la terre
Leurs mains se tendent vers nos lueurs
Le spectre de leurs bras cherche à nous retenir
Mais nos pas de vivants
déferlent sans leur escorte
Nos vies
survivent à leurs plaintes
Nos heures
consument leurs contours
Quelques images se souviennent
Les ravivant parfois d'une brève flambée!
Des vivants et des morts, Andrée Chedid
C’est vraiment touchant.ta Mamy❤️
Émouvant