Les premières neiges lui promettaient que les émotions, les plus vives, seraient engourdies. Que tout serait recouvert. Que le froid cristalliserait la peine. Que l’on était dans un endroit où il n’y avait plus à être, si ce n’est être ce froid, l’incarner et ne vivre qu’à travers lui.
Au-devant d’elle, les premières neiges frappaient de leurs éclats aveuglants, anesthésiants. Des éclats qui promettaient de ne renvoyer à rien, à plus rien de soi.
Ces montagnes où ils se rendaient étaient un lieu retiré où progressivement, alors que tout se recouvrait de givre, tout disparaissait déjà. Il n'y avait plus aucune trace de présence, de vie. Et dans ce royaume d’oubli, il n’y avait aucune marque, aucun symbole, aucune preuve de l’existence.
La pire épreuve, nous dit la neige, et de ressentir alors que c’est encore trop douloureux. Ici rien ne bouge et rien ne t’emportera. Les pulsions qui te secouent se fracasseront sur nous, mais elles ne nous impacteront pas. Laisse ton cœur à la neige.
Nous pénétrions dans un monde où l’intériorité n’avait plus sa place.
Elle s’allongea sur l’épais manteau blanc. Et alors que le givre prit possession des pulsations du sang, des taches de couleur en elle trop vives encore, et que le froid s’insinuait dans ce qui était l’origine de son être, elle sentit quelque chose d’imperceptible, mais qui recouvrait tout, et qui remplaçait le fracas. Le froid la mordait, la brûlait, mais progressivement elle aimait cela. Il n'y avait plus que cette sensation. La neige était là comme la première chose offerte, comme s’il n’y avait jamais eu autre chose qu’elle, avant toutes les premières fois et les secondes. Son sens remplaçait tout ce qui avait précédé.
Lien vers la photo de l'artiste, Aditya Vyas :
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